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Joueur de rugby avant tout

Retour sur un parcours de vie atypique, celui de David Berty dont la carrière rugbystique a fortement été contrariée par le handicap. Contrariée mais pas arrêtée… Portrait.

Toulouse, le 16/11/2020.

Il a été pendant près de dix ans un des meilleurs ailiers du rugby français et a connu ses heures de gloire avec le numéro 11 au Stade Toulousain. Quintuple champion de France (1989, 1994, 1995, 1996 et 1997) et vainqueur de la première Coupe d'Europe en 1996, il comptabilise aussi six sélections avec le XV de France, une dizaine de capes en équipe de France à 7, avec une participation à la première coupe du monde à 7 en 1993, et une sélection chez les Barbarians. Mais David Berty mettra fin à sa carrière en 2001 pour combattre un nouvel adversaire, la sclérose en plaques (SEP).


Jeune joueur à l’école de rugby de Saint-Jory (31), David était au-dessus du lot. Adolescent, il a très vite été contacté par le Stade Toulousain pour rejoindre ses sections jeunes, avant d’intégrer l’équipe première. En 1997, alors qu’il enchaîne les titres et les sélections nationales, un étrange fait de jeu se produit : David saute pour rattraper un ballon tapé en chandelle, mais 5 mètres avant le point de chute… Ce problème de repère dans l’espace sera suivi par un problème à un œil, une fatigue non justifiée et des jambes qui ne répondent pas comme d’habitude. En septembre 1997, il n’est plus aussi rapide et sa grande fatigabilité ne joue pas en sa faveur. Alors qu’il « cire » le banc de touche et fait une saison quasi blanche, il subit les remises en question de son entourage sportif. Entre les mots qui font mal et ses contre-performances sportives, il quitte le Stade. David commence alors quatre saisons de galère à cause de multiples blessures et de changements de clubs. Il erre sur les terrains de rugby et ne prend aucun plaisir, il réfléchit à mettre un terme à sa carrière.


Et c’est finalement un neurologue qui met un nom sur toutes les blessures et les symptômes de David : il est atteint de la sclérose en plaques, maladie auto-immune qui touche le système nerveux central. Après le soulagement d’avoir enfin une raison à ses échecs sportifs, David est assailli d’interrogations. Et il a peur, peur de finir en fauteuil roulant, mais aussi peur pour ses enfants.


"La SEP a été diagnostiquée en 2001, or mes premiers symptômes avaient commencé en 1997. On a donc mis quatre ans pour mettre un nom dessus, car j'ai changé souvent de club et de corps médical. Et moi, tout ce que je voulais, c'était jouer et je n’y arrivais pas ! Au début, je mettais mes symptômes sur le compte du sport... Pour un problème à l'œil en 97, on avait pensé à un herpès lié à la fatigue, je pensais que c'était dû à l'entraînement."

David tombe alors dans un puits sans fond : il s’isole, arrête l’activité physique et prend du poids, il a même des pensées morbides. Côté professionnel, tout n’est pas rose non plus car David est « mis au placard » par son employeur. Le déclic surviendra plus tard, à l’occasion d’une rencontre avec un journaliste sportif qui avait perdu son épouse dans un tsunami. Pris de compassion pour David, il lui conseille d’envisager la vie comme un parcours en vélo « qui comporte des cols plus ou moins difficiles à passer, pour les monter il faut pédaler à son rythme, mais il faut pédaler. Si on s’arrête, on tombe… ». David décide alors de se battre, pour lui et pour sa famille.

"Je me rapproche alors d’associations de personnes atteintes de la SEP, je mets à profit mon expérience auprès d’entreprises à travers des conférences, j’écris un livre sur mon parcours… Je veux faire connaître la SEP pour montrer au grand public et aux malades qu’il est possible de vivre avec, mais aussi qu’on ne termine pas toujours en fauteuil roulant, comme je le pensais au début."

Apprendre à vivre avec la SEP et non plus se battre contre elle, faire de son handicap un atout et une force, David a totalement changé de braquer. Et il ne s’arrête pas là. Toujours avec son numéro 11 fétiche, il est retourné à Saint-Jory, là où il avait commencé le rugby étant enfant, au sein de la section handisport du TO XIII. La reprise du rugby s’est donc faite en fauteuil au sein de l’équipe de rugby XIII fauteuil. Clin d’œil du destin, David sera champion de France d’élite 1 en mai 2017, vingt ans après son dernier titre avec le Stade Toulousain. Et c’est en 2018 qu’il retrouve le rouge et le noir du Stade en rejoignant le Stade Toulousain Rugby Handisport (STRH).


En match comme à l'entraînement, David ne lâche jamais rien. Photos : Alain Garres


"La découverte du rugby XIII fauteuil m’a fait l’effet d’un électrochoc car j’ai réalisé que je pouvais de nouveau prendre du plaisir sur un terrain, même en fauteuil de sport. Il a d’abord fallu apprendre à manier un fauteuil mais les sensations étaient de retour… un vrai bonheur ! Aujourd’hui je complète les entraînements par des séances de musculation et j’ai retrouvé une véritable forme physique."

S’il n’a jamais cessé de travailler malgré la maladie, le parcours professionnel de David n’a pas toujours été facile. Epanoui dans son poste actuel de conseiller santé prévoyance pour la mutuelle du Rempart à Toulouse, David n’a pas à se cacher : " Mon employeur connaît ma situation et sait être flexible quand j’en ai besoin. Je parle de ma maladie à mes collaborateurs qui sont parfois étonnés que je ne sois pas en fauteuil (rires). A côté de mon activité à la Mutuelle du Rempart je propose aussi une conférence sous forme de témoignage pour partager mon expérience de vie en entreprises. Le message que je fais passer est clair : on peut travailler, faire du sport et être père de famille malgré le handicap. Une vie normale… avec quelques adaptations ! "

Module « David Berty : témoignage d’une vie de sportif atypique », dans le cadre du programme All Ability de sensibilisation au handicap en entreprises du STRH.

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